Page:Ker - Cyril aux doigts-rouges ou le Prince Russe et l'Enfant Tartare, 1917.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.
46
CYRIL AUX DOIGTS-ROUGES

les maladies qui sévissaient déjà dans la ville mal nourrie et populeuse. Les blessés mouraient ; des hommes qui étaient en pleine santé, s’abattaient soudainement ; et par la famine et les maladies qui les harcelaient, et un ennemi sans pitié qui les encerclait, les chefs les plus courageux commençaient à désespérer.

Et maintenant, comme ce n’était pas encore assez, ils furent menacés d’un nouveau et plus formidable péril.

L’appentis redoutable, sous lequel les Tartares voulaient attaquer les remparts, s’était deux fois écroulé, manié par des mains inhabiles, mais le nombre avait contre-balancé le défaut de grossièreté mécanique et la machine fut à la fin prête pour l’usage, pendant que l’engin de Sylvestre demandait encore quelques heures de travail pour le compléter.

Des remparts, les Russes pouvaient voir leurs ennemis à l’abri sous l’appentis et ils se doutèrent que bientôt les Tartares s’avanceraient à l’assaut. Le visage de fer de Sviatagor même pâlit ; mais à ce moment Sylvestre toucha son bras et lui chuchota quelques mots à l’oreille.

La figure triste du vieux soldat s’éclaircit d’un rire joyeux. De ses propres mains, il lia un drap blanc à la pointe d’une lance et l’agita au-dessus de lui en signe de suspension d’armes en même temps qu’il ordonnait à ses hommes de sonner du cor pour parlementer et que Féodor courait aux ouvriers de Sylvestre leur ordonnant, s’il voulait que la ville fut délivrée, de finir l’engin de guerre en peu de temps.

Les Tartares, espérant que la fermeté de la garnison cédait enfin, répondirent bien vite au signal et envoyèrent deux de leurs chefs pour parlementer avec les Russes. Après une courte mais très animée conférence (à en juger à leurs gestes excités) les envoyés retournèrent au camp, apportant à Octaï la proposition de Sviatagor : la bataille serait décidée par un combat entre le Khan lui-même et le jeune Féodor, ou entre douze Russes et douze Tartares choisis parmi les meilleurs guerriers.

Octaï qui était aussi brave que féroce, voulut accepter la lutte immédiatement ; mais les plus vieux et les plus expérimentés de ses chefs s’y opposèrent fermement. Ils argumentèrent que ce Féodor avait tué l’énorme géant, Marnai, sans recevoir une égratignure, et que la magie du chrétien enchanté l’avait sans doute mis à l’abri de toutes les armes et que par conséquent, lutter avec lui serait non seulement sans espoir mais dangereux.

Pour la même raison ils s’opposèrent au combat des douze guerriers, disant qu’une telle proposition, faite lorsque le siège avait déjà duré si longtemps, prouvait que les Russes étaient à bout de forces et essayaient d’empêcher les Tartares de voir leur victoire prochaine. Quelques jours