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CYRIL AUX DOIGTS-ROUGES

de l’engin russe, tous deux faits pour détruire ? Il semblait que l’ennemi aurait fini son œuvre le premier.

Sviatagor avait réuni ses chefs pour considérer ce qu’il y avait de mieux à faire lorsque Cyril pénétra tout à coup au milieu d’eux et dit :

— « Père, nous devons absolument avoir de l’aide le plus vite possible ; il vaut mieux qu’un homme risque sa vie pour sauver celle de tous les citadins. Je quitterai Kief et passant à travers les lignes adversaires, j’irai dire au Prince Vladimir que sa ville est en danger. »

L’offre était tellement inattendue et tellement étonnante que les guerriers assemblés se regardèrent ne sachant que dire. À la fin, Féodor brisa le silence.

— « Non, non, mon ami, cela ne peut pas être. Il ne sera pas dit que nous enverrons un enfant mourir pour nous sauver. J’ai tué votre père, et je n’aiderai nullement à vous faire tuer aussi. Si quelqu’un doit partir, ce sera moi. »

— « Pouvez-vous vous faire passer comme tartare ? » demanda Cyril.

La question était juste et Féodor resta silencieux ; Cyril expliqua son plan. Il se laisserait tomber au bas des remparts, la nuit, par une corde et pénétrant dans le camp ennemi, inaperçu, il le traverserait, étant Tartare lui-même, sans attirer l’attention. Une fois arrivé là, il prendrait un des chevaux écartés et partirait au galop pour Kamenskoë.

— « Une armée met huit jours pour y arriver, » dit-il, « mais un Tartare sur un cheval tartare n’en restera que trois ; et, en outre, il se peut que le grand Prince soit de retour. Dans dix jours, père, si je ne suis pas tué, vous serez sauvés. »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le lendemain matin, au point du jour, une des sentinelles ennemies — la plus proche, vit un enfant rôdant, la mine attristée, sur la pente de la colline en tenant une bride tartare en main.[1]

— « N’avez-vous pas vu un cheval égaré quelque part, par ici ? » demanda l’enfant d’une voix triste.

— « Un cheval ? » répondit le Tartare (qui était un peu blagueur) en regardant en riant les innombrables chevaux qui paissaient dans la vaste plaine, au-dessous de lui. « Comment aurai-je vu un cheval, ici ? Ne pouvez-vous voir, par vous-même, qu’il n’y en a pas dans cette région ? »

  1. Le stratagème audacieux attribué ici à Cyril est historique et peut être trouvé chez les plus vieux chroniqueurs russes.