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LA GRANDE IDOLE DE KIEF

rant) » ton épée faillira dans la bataille et les éclairs du Dieu de la Foudre frapperont ta ville et la brûleront avec toi ».

Les joues hâlées de Vladimir pâlirent car ce terrible soldat qui ne craignait pas la force humaine, s’effrayait aisément d’une terreur invisible et superstitieuse. Ces paroles produisirent le même effet sur la foule attentive d’où s’élevèrent des voix irritées.

— « Le prêtre parle bien, frères ; nos vieilles coutumes ne doivent pas être changées ».

— « Ce chien ne se mettrait-il pas au dessus des guerriers russes ? »

— « Ce qui était bon pour nos pères, sera bon également pour nous ».

Yarko vit l’excitation que ses paroles avaient produite et remarquant l’hésitation du Prince, pensa de frapper le coup décisif.

— « Vois », cria-t-il d’une voix terrible en montrant un nuage orageux dans le lointain, le « Dieu de la Foudre prépare ses feux pour te consumer parce que tu veux le tromper ».

Un faible grondement de tonnerre sembla être l’écho de ses paroles et l’excitation atteignit son comble. Les mains se serrèrent, les dents se montrèrent, les armes furent brandies ; et un murmure courut à travers la foule qui s’agitait comme une mer troublée.

— « Regardez », continua le prêtre furieux, en étendant sa maigre main vers l’enfant Tartare que Féodor avait sauvé durant la bataille, « ici, parmi nous, se tient le louveteau que notre Prince épargne par ordre du chien grec. Quelle surprise y a-t-il à ce que Peroon soit fâché ? Guerriers de Kief ! saisissez le jeune Tartare et le Grec menteur, et tuez-les tous deux devant notre Dieu ! »

Instantanément les autres prêtres s’élancèrent pour obéir à cet ordre sauvage et la foule s’apprêta à les aider. Un moment de plus et c’était fini ; mais tout à coup Sylvestre s’élança au devant d’eux et levant sa figure calme et intrépide vers la cohue mugissante, il cria :

— « Arrière ! »

Son regard était si profond et si impérieux, sa voix fut si saisissante que les Russes s’arrêtèrent un instant, étonnés, et ce moment suffit à Sylvestre.

— « Laissez les guerriers russes m’entendre », s’écria-t-il, « ils sont trop braves pour condamner des hommes inconnus. « Tu dis », continua-t-il en se tournant vers Yarko, « que le Dieu de la Foudre est furieux contre le Prince parce que celui-ci désire devenir chrétien. Contre qui était-il fâché alors, lorsqu’il foudroya cet arbre, là-bas ? »