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2. Ne vous glorifiez point dans les richesses, si vous en avez, ni dans vos amis parce qu’ils sont puissants, mais en Dieu, qui donne tout, et qui, par-dessus tout, désire encore se donner lui-même.

Ne vous élevez point à cause de la force ou de la beauté de votre corps, qu’une légère infirmité abat et flétrit.

N’ayez point de complaisance en vous-même à cause de votre esprit ou de votre habileté, de peur de déplaire à Dieu, de qui vient tout ce que vous avez reçu de bon de la nature.

3. Ne vous estimez pas meilleur que les autres, de crainte que peut-être vous ne soyez pire aux yeux de Dieu, qui sait ce qu’il y a dans l’homme.

Ne vous enorgueillissez pas de vos bonnes œuvres, car les jugements de Dieu sont autres que ceux des hommes, et ce qui plaît aux hommes, souvent lui déplaît.

S’il y a quelque bien en vous, croyez qu’il y en a plus dans les autres, afin de conserver l’humilité.

Vous ne hasardez rien à vous mettre au-dessous de tous : mais il vous serait très nuisible de vous préférer à un seul.

L’homme humble jouit d’une paix inaltérable ; la colère et l’envie troublent le cœur du superbe.

RÉFLEXION.

En considérant la faiblesse de l’homme, la fragilité de sa vie, les souffrances dont il est assailli de toutes parts, les ténèbres de sa raison, les incertitudes de sa volonté inclinée au mal dès l’enfance[1], on s’étonne qu’un seul mouvement d’orgueil puisse s’élever dans une créature si misérable ; et cependant l’orgueil est le fond même de notre nature dégradée. Selon la pensée d’un Père, il nous sépare de la sagesse ; il fait que nous voulons être nous-mêmes notre bien, comme Dieu lui-même est son bien[2] : tant il y a de folie dans le crime ! C’est alors que l’homme se recherche et s’admire dans tout ce qui le distingue des autres et l’agrandit à ses propres yeux, dans les avantages du corps, de l’esprit, de la naissance, de la

  1. Gen. viii, 21.
  2. S. Aug., de Lib. Arbitr., lib. iii, cap. xxiv.