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On a dit que l’Imitation était le livre des parfaits ; elle ne laisse pas néanmoins d’être utile à ceux qui commencent. Nulle part on ne trouvera une plus profonde connaissance de l’homme, de ses contradictions, de ses faiblesses, des plus secrets mouvements de son cœur. Mais l’auteur ne se borne pas à montrer nos misères, il en indique le remède, il nous le fait goûter ; et c’est un des caractères qui distinguent les écrivains ascétiques des simples moralistes. Ceux-ci ne savent guère que sonder la plaie de notre nature ; ils nous effraient de nous-mêmes, et affaiblissent l’espérance de tout ce qu’ils ôtent à l’orgueil. Ceux-là, au contraire, ne nous abaissent que pour nous relever ; et, plaçant dans le ciel notre point d’appui, ils nous apprennent à contempler sans découragement, du sein même de notre impuissance, la perfection infinie où les chrétiens sont appelés.

De là ce calme ravissant, cette paix inexprimable qu’on éprouve en lisant leurs écrits avec une foi docile et un humble amour. Il semble que les bruits de la terre s’éteignent autour de nous. Alors, au milieu d’un grand silence, on n’entend plus qu’une seule voix, qui parle du Sauveur Jésus, et nous attire à lui comme par un charme irrésistible. L’âme transportée aspire au moment où se consommera son union avec le céleste Époux. Et l’esprit et l’épouse disent : Venez ! et que celui qui écoute dise : Venez ! Oui ! je viens, je me hâte de venir. Ainsi soit-il ! Venez, Seigneur Jésus[1].

Que sont les plaisirs du monde près de ces joies inénarrables de la foi ? Comment peut-on sacrifier le seul vrai bonheur à quelques instants, bientôt suivis de longs regrets et d’un amer dégoût ? Oh ! si vous connaissiez le don de Dieu, si vous saviez quel est Celui qui vous appelle[2], qui vous presse de vous donner à lui, afin de se donner lui-même à vous, avec quelle ardeur vous répondriez aux invitations de son amour ! Venez donc et goûtez combien le Seigneur est doux[3] ; venez et vivez. Maintenant vous ne vivez pas, car ce n’est pas vivre que d’être séparé de Celui qui a dit : Je suis la vérité et la vie[4]. Mais quand vous l’aurez connu, quand votre cœur fatigué se sera délicieusement reposé sur le sien, il ne vous restera que cette parole : Mon Bien-Aimé est à moi, et moi à lui[5]. J’ai trouvé Celui qu’aime mon âme : je l’ai saisi et ne le laisserai point aller[6].

  1. Apoc., xxii, 17 et 20.
  2. Joan., iv, 10.
  3. Ps. xxxiii, 9.
  4. Joan., xiv, 6.
  5. Cant., ii, 16.
  6. Ibid., iii, 4.