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PRÉFACE

PAR
L’ABBÉ F. DE LAMENNAIS


Décembre 1824.

On ne connaît point l’auteur de l’Imitation. Les uns l’attribuent à Thomas A-Kempis, les autres à l’abbé Gerson : et cette diversité d’opinions a été la source de longues controverses, selon nous assez inutiles. Mais il n’est point d’objet frivole pour la curiosité humaine. On a fait des recherches immenses pour découvrir le nom d’un pauvre solitaire du xiiie siècle. Qu’est-il résulté de tant de travaux ? Le solitaire est demeuré inconnu, et l’heureuse obscurité où s’écoula sa vie a protégé son humilité contre notre vaine science.

Au reste, si l’on se divise sur l’auteur, tout le monde est d’accord sur ce livre, le plus beau, dit Fontenelle, qui soit sorti de la main des hommes, puisque l’Évangile n’en vient pas. Il y a, en effet, quelque chose de céleste dans la simplicité de ce livre prodigieux. On croirait presque qu’un de ces purs esprits qui voient Dieu face à face soit venu nous expliquer sa parole et nous révéler ses secrets. On est ému profondément à l’aspect de cette douce lumière qui nourrit l’âme et la fortifie, et l’échauffe sans la troubler. C’est ainsi qu’après avoir entendu Jésus-Christ lui-même, les disciples d’Emmaüs se disaient l’un à l’autre : Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au dedans de nous lorsqu’il nous parlait dans le chemin et nous ouvrait les Écritures[1] ?

  1. Luc, xxiv, 32.