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souvenir souvent de son Dieu, et de recevoir son bien aimé dans un cœur embrasé d’amour.

4. O prodige de votre tendresse pour nous ! Vous, Seigneur mon Dieu, qui donnez l’être et la vie à tous les esprits, vous daignez venir à une pauvre âme misérable, et avec votre divinité et votre humanité tout entière, rassasier sa faim !

O heureuse, mille fois heureuse l’âme qui peut vous recevoir dignement, vous son Seigneur et son Dieu, et goûter avec plénitude la joie de votre présence !

Oh ! qu’il est grand le Seigneur qu’elle reçoit ! qu’il est aimable l’hôte qu’elle possède ! que le compagnon, l’ami qui se donne à elle, est doux et fidèle ! que l’époux qu’elle embrasse est beau ! qu’il est noble et digne d’être aimé par dessus tout ce qu’on peut aimer, et tout ce qu’il y a de désirable !

Que le ciel et la terre, dans leur parure magnifique, se taisent devant vous, ô mon bien-aimé ! car tout ce qu’on admire de beau en eux, ils le tiennent de vous, dont la sagesse n’a point de bornes[1], et jamais ils n’approcheront de votre beauté souveraine.

RÉFLEXION.

Autant on doit apporter de soin à s’éprouver soi-même, avant de manger le pain et de boire le calice du Seigneur[2], autant il faut prendre garde à ne pas se tenir éloigné de la Table sainte par un faux respect et une crainte excessive. Nous serons toujours, quoi que nous fassions, infiniment indignes d’une faveur si haute : nul n’est pur, nul n’est saint devant celui qui est la sainteté même. Mais quand le Sauveur nous dit : Venez, il connaît notre misère, et c’est pour la guérir qu’il nous presse de venir à lui. Allons-y donc, non comme le Pharisien hypocrite, en rendant grâces à Dieu dans notre cœur de n’être pas tel que les autres hommes[3] : Dieu repousse avec horreur cet orgueil d’une conscience qui se déguise à elle-même sa plaie secrète ; allons-y, mais comme l’humble Publicain, les yeux baissés vers la terre, frappant notre poitrine, et disant : Seigneur, ayez pitié de moi ; soyez propice à ce pauvre pé-

  1. Ps. cxlvi, 5.
  2. I Cor. xi, 28.
  3. Luc. xviii, 11.