Page:Kempis - L Imitation de Jesus Christ, traduction Lammenais, edition Pages, 1890.djvu/280

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lon l’ordre de Melchisédech[1] offre au Très-Haut le pain et le vin, le pain vivant descendu du ciel[2] : et le pain qu’il donne est sa chair[3], et le vin est son sang ; et en vérité, à moins qu’on ne mange la chair, et qu’on ne boive le sang du Fils de l’homme, on n’aura point la vie en soi[4] : car ma chair, il le dit lui-même, est vraiment une viande et mon sang un breuvage : celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui[5] : voilà le pain descendu du ciel : qui mange ce pain vivra éternellement[6]. Il n’y a point à hésiter ; ce langage est clair ; il faut se soumettre, il faut dire : Je crois ; Seigneur, augmentez ma foi[7]. Et qu’avaient annoncé les Prophètes ? Les pauvres mangeront et seront rassasies, et leur âme vivra éternellement. Tous les riches de la terre ont mangé et ont adoré : tous ceux qui habitent la terre se prosterneront en sa présence[8]. Et nous aussi, dans l’inébranlable fermeté de notre foi, mangeons et adorons ; rassasions-nous de cette chair, abreuvons nous de ce sang, qui nous transforme en Jésus-Christ même. Victime d’un prix inestimable, il acquitte volontairement notre dette envers la justice divine, et pour nous appliquer, sans réserve et sans me sure, la vertu de son sacrifice, il unit sa chair à notre chair, son âme à notre âme, de sorte que, par cette ineffable union, nous sommes remplis de la divinité dont la plénitude habite en lui corporellement[9]. Prodigieux mystère d’amour ! L’homme a mangé le pain des anges[10]. Et comment ? parce que « le Verbe de Dieu, qui nourrit, dit saint Augustin, de sa substance incorruptible les anges incorruptibles, s’est fait chair, et a habité parmi nous[11]. Comme donc la créature spirituelle se nourrit du Verbe, qui est son aliment par excellence ; et comme l’âme humaine, spirituelle aussi, mais, en punition du péché, chargée des liens de la mortalité, a été abaissée de telle sorte, qu’il faut qu’elle s’efforce d’atteindre, par les conjectures des choses visibles, à l’intelligence des choses invisibles : l’aliment spirituel de la créature a été fait visible, non par un changement de sa nature, mais relativement à la nôtre, afin qu’en cherchant ce qui est visible, nous fussions rappelés au Verbe invisible[12]. » Chrétiens, allez au banquet sacré, approchez-vous de cette table où Jésus-Christ tout entier se livre à vous, où le Verbe divin se fait lui-même votre aliment incompréhensible : Prenez et mangez le véritable pain du ciel[13]. Là est l’espérance, la vie, la dernière épreuve de la foi, la consommation de l’amour.

  1. Ps. cix, 4.
  2. Joann. vi, 51.
  3. Joann. vi, 52.
  4. Joann. vi, 54.
  5. Joann. vi, 56, 57.
  6. Joann. vi, 59.
  7. Luc. xvii, 5.
  8. Ps. xxi, 27, 30.
  9. Coloss. ii, 9, 10.
  10. Ps. lxxvii, 25.
  11. XVII, S. Aug. Enarrat in Ps. lxxvi, c. 17.
  12. S. Aug., de Liber. Arbitr. lib. III, cap. 30.
  13. Luc. xxii, 19 ; Joann. vi, 33.