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ment, Seigneur, et votre amour est en souffrance. Hélas ! comment peut-on, après avoir goûté la joie de votre union, refuser de s’unir plus intimement à vous ? O faiblesse et folie incompréhensible du cœur humain ! Est-il donc, ô mon Dieu, si difficile de reconnaître le néant de tout ce qui n’est pas vous, l’inconstance de notre volonté, l’incertitude de nos projets, la vanité de nos désirs, et de laisser là je ne sais quels biens stériles et misérables, une heure avant que la mort nous en dépouille sans retour ? Quelles seront nos pensées à ce moment où toutes les illusions s’évanouissent ? Que nous feront les choses du temps, lorsque le temps finira pour nous ? C’en est fait, Seigneur, je suis résolu à consommer le sacrifice que vous exigez de ceux qui veulent vous appartenir. Qu’on ne me parle plus du monde ni de moi-même : j’ai rompu mes derniers liens ; je suis mort, je ne vis désormais que de la vie de Jésus-Christ en moi : ce corps est comme le suaire qui m’enveloppe ; me voilà étendu dans le tombeau, enseveli avec Jésus-Christ en Dieu[1]. Amen : qu’il soit ainsi !


CHAPITRE XXXVIII.

COMMENT IL FAUT SE CONDUIRE DANS LES CHOSES EXTÉRIEURES, ET RECOURIR A DIEU DANS LES PÉRILS.

1. J.-C. Mon fils, en tous lieux, dans tout ce que vous faites, en tout ce qui vous occupe au dehors, vous devez vous efforcer de demeurer libre intérieurement, et maître de vous-même, de sorte que tout vous soit assujetti, et que vous ne le soyez à rien.

Ayez sur vos actions un empire absolu ; soyez-en le maître, et non pas l’esclave.

Tel qu’un vrai Israélite, affranchi de toute servitude, entrez dans le partage et dans la liberté des enfants de Dieu, qui, élevés au-dessus des choses présentes, contemplent celles de l’éternité ; qui donnent à peine un regard à ce qui passe, et ne détachent jamais leurs yeux de ce qui durera toujours ; qui, supérieurs aux biens du temps,

  1. Rom. vi, 4.