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laire : nul autre n’a pris une aussi belle place dans l’estime des hommes, ni ne semble mieux fait pour chacun de ceux qui le lisent. Ce n’est pas ici l’œuvre ingénieuse du savoir humain, quoique l’auteur connaisse à fond les voies de notre cœur et sache parler le langage de nos besoins intimes ; c’est l’effusion d’une âme éclairée d’en haut et pénétrée d’un profond sentiment des choses divines. Le style est simple, sans ornement et quelquefois incorrect ; mais la force et la majesté des pensées lui impriment une sorte de grandeur merveilleuse ; toutes les pages du livre respirent d’ailleurs une onction vraiment céleste, et l’on y sent passer comme un souffle de l’Esprit-Saint. Les plus grands hommes de l’Église et les plus grands saints ont écrit d’admirables traités sur la vie spirituelle sans surpasser ni même égaler l’humble auteur de l’Imitation. C’est vraiment un maître en sagesse divine : personne n’a mieux exposé la sublime et salutaire philosophie de la pensée, ni mieux interprété les enseignements de l’Évangile sur la perfection chrétienne. Il dépeint l’état lamentable où le péché nous a réduits et il nous presse éloquemment ; il montre quel besoin nous avons de nous détacher de la terre et de nous-mêmes pour obtenir la paix ici-bas et le bonheur au ciel ; il explique comment nous pouvons atteindre le but de la vie, qui est de nous rapprocher du Créateur par la prière et de nous unir intimement à lui par l’amour, en sorte que nous devenions des hommes déifiés, comme Jésus-Christ est Dieu incarné.

Ainsi, avec quelle vérité saisissante l’auteur n’a-t-il pas décrit les misères et les grandeurs de l’homme, la fragilité de nos joies terrestres et la richesse de nos immortelles espérances ; Sa main comme celle d’un médecin habile, a sondé les plaies de notre nature blessée par le péché originel et ravagée de nouveau par nos propres crimes. Il signale les maladies et les infirmités de notre âme, les désirs qui nous agitent, la présomption qui nous aveugle, les incertitudes et les contradictions où notre esprit s’abat, les orages que le vent des passions soulève dans notre cœur, les troubles et les défaillances de notre volonté, la guerre que nous font sans cesse nos instincts pervertis. De même que sa science découvre les maux, son zèle indique les remèdes : il prend l’homme pécheur et imparfait, et le conduit par degrés à la sublimité des plus pures vertus. Voyez comme il enseigne, dans son langage persuasif, à fuir tout ce qui enlève ou diminue l’amitié de Dieu, à corriger les mauvaises tendances et les fautes par la prière et