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Je le veux ainsi, je le désire ainsi : daignez suppléer vous-même à tout ce qui me manque.

5. C’est un grand honneur, une grande gloire de vous servir et de mépriser tout à cause de vous.

Car ils recevront des grâces abondantes, ceux qui se courbent volontairement sous votre joug très saint.

Ils seront abreuvés de la délectable consolation de l’Esprit-Saint, ceux qui, pour votre amour, auront rejeté tous les plaisirs des sens.

Ils jouiront d’une grande liberté d’esprit, ceux qui, pour la gloire de votre nom, seront entrés dans la voie étroite, et auront renoncé à toutes les sollicitudes du monde.

6. O aimable et douce servitude de Dieu, dans laquelle l’homme retrouve la vraie liberté et la sainteté !

O saint assujettissement de la vie religieuse, qui rend l’homme agréable à Dieu, égal aux Anges, terrible aux démons, respectable à tous les fidèles !

O esclavage digne à jamais d’être désiré, embrassé, puisqu’il nous mérite le souverain bien, et nous assure une joie éternelle !

RÉFLEXION.

Le monde est tellement fasciné par les passions, qu’il ne peut rien comprendre à la félicité des enfants de Dieu. Quelquefois il les plaint, comme le monde sait plaindre, en jetant sur eux un regard de mépris ; quelquefois il les contemple avec une sorte d’étonnement stupide. Il n’a nulle idée de ce qui se passe dans l’âme unie à son Créateur, nulle idée des consolations et du calme délicieux dont elle jouit. Saint Paul s’écriant : Je surabonde de joie au milieu de mes tribulations[1], lui est un mystère inexplicable ; jamais il ne concevra cette joie pure, qui est justice et paix dans le Saint-Esprit[2]. Quel est donc le partage du serviteur du monde ? un immense ennui parsemé de quelques rares plaisirs ; et quand Dieu ne l’abandonne pas entièrement, le remords. Creusez dans son cœur, vous n’y trouverez que cela. Le remords est sa justice et l’ennui sa paix. Ames chrétiennes, âmes détachées, qui avez renoncé au monde et à tout ce qui est du monde, plaignez à votre tour les

  1. II Cor. vi, 4.
  2. Rom. iv}, 17.