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haiter d’être affligé pour lui, que d’être comblé de consolations, parce que vous seriez alors plus semblable à Jésus Christ et plus conforme à tous les Saints.

Car notre mérite et notre progrès dans la perfection ne consistent point dans la douceur et l’abondance des consolations, mais plutôt dans la force de supporter de grandes tribulations et de pesantes épreuves.

15. S’il y avait eu, pour l’homme, quelque chose de meilleur et de plus utile que de souffrir, Jésus-Christ nous l’aurait appris par ses paroles et par son exemple.

Or, manifestement il exhorte à porter la Croix, et les disciples qui le suivaient, et tous ceux qui voudraient le suivre, disant : Si quelqu’un veut marcher sur mes pas, qu’il renonce à soi-même, qu’il porte sa Croix et qu’il me suive[1].

Après donc avoir tout lu et tout examiné, concluons enfin qu’il nous faut passer par beaucoup de tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu[2].

RÉFLEXION.

La doctrine de la Croix, scandale pour les Juifs et folie pour les Gentils[3], est ce que les hommes comprennent le moins. Qu’un Dieu soit mort pour les sauver, leur raison s’abaissera devant ce mystère ; mais qu’ils doivent s’associer à cet étonnant sacrifice, en mourant à eux-mêmes, à leurs passions, à leurs volontés, à leurs désirs, voilà ce qui les révolte, et leur fait dire comme les Capharnaïtes : Cette parole est dure, et qui peut l’entendre ?[4] Il faut bien pourtant que nous l’entendions, car notre salut dépend de là. Le Ciel était séparé de la terre, la Croix les a réunis ; et c’est du pied de la Croix que part tout ce qui va jusqu’au Ciel. Pressons-nous donc contre la Croix ; qu’elle soit ici-bas notre consolation, comme elle est notre force. Lorsque, dans sa bonté, Dieu nous envoie quelque épreuve, disons avec saint André. O douce Croix ! si longtemps désirée, et préparée maintenant pour cette âme qui la souhaitait ardemment ! Tous les Saints ont senti ce désir, tous ont tenu ce langage. Souffrir ou mourir, répétait souvent sainte Thérèse ; et,

  1. Matth. xvi, 25.
  2. Act. xiv, 21.
  3. I Cor. i, 23.
  4. Joann. vi, 61.