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térieures. Si elle goûtait toujours la consolation, il serait à craindre qu’elle ne tombât peu à peu dans le relâchement ; et qu’aurait-elle d’ailleurs à offrir à son bien-aimé ? La vertu se perfectionne dans l’infirmité. C’est l’Apôtre qui nous l’apprend, et il ajoute aussitôt : Je me glorifierai donc dans mes infirmités, afin que la vertu de Jésus-Christ habite en moi[1]. Cette espèce d’abandon, cet exil du cœur nous rappelle vivement notre misère, que nous oublions trop facilement, exerce notre foi, notre amour, et nous maintient dans l’humilité. Gardez-vous donc, en ces moments où Jésus paraît se re tirer de vous, de fléchir sous le poids de l’épreuve, et de vous laisser aller au découragement. « Un des grands secours, dit un pieux auteur, pour bien porter sa croix, est d’en ôter l’inquiétude, et de rendre cette peine tranquille par une totale conformité à la divine volonté[2]. » Au lieu de gémir et de vous troubler, réjouissez-vous plutôt ; car il est écrit : Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent dans l’allégresse. Ils allaient et pleuraient en répandant des semences ; ils reviendront pleins de joie, portant des gerbes dans leurs mains[3].


CHAPITRE X.

DE LA RECONNAISSANCE POUR LA GRACE DE DIEU.

1. Pourquoi cherchez-vous le repos, lorsque vous êtes né pour le travail ?

Disposez-vous à la patience plutôt qu’aux consolations, et a porter la croix plutôt qu’à goûter la joie.

Quel est l’homme du siècle qui ne reçût volontiers les joies et les consolations spirituelles, s’il pouvait en jouir toujours ?

Car les consolations spirituelles, surpassent toutes les délices du monde et toutes les voluptés de la chair.

Toutes les délices du monde sont ou honteuses ou vaines ; les délices spirituelles sont seules douces et chastes, nées des vertus et répandues par Dieu dans les cours purs.

Mais nul ne peut jouir, toujours à son gré, des consola-

  1. II Cor. xii, 9.
  2. Boudon, les Saintes Voies de la Croix, liv. II, chap. iii.
  3. Ps cxxv, 5, 6.