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À LESBOS

Andrée voyait s’envoler à tire d’ailes ses belles années de jeunesse et d’illusion.

Elle ne prenait jamais aucun plaisir.

Elle ne pouvait satisfaire la moindre velléité de coquetterie.

Elle appréhendait les premiers jours de printemps, dont les rayons lumineux venaient mettre des clartés sur ses vêtements usés et fripés.

L’approche de l’hiver l’effrayait. Ne fallait-il pas songer à se préserver du froid ?

Malgré tant de misère, les jours passaient, emportant avec eux, dans leur course vertigineuse, le souvenir des larmes versées, effacées par de nouvelles douleurs !

Parfois, on n’osait compter sur le lendemain.

De loin en loin, on faisait des rêves d’avenir.

Jamais la misère ne tuera complètement l’illusion et l’espérance.

À mesure qu’Andrée voyait grandir ses souffrances, elle sentait augmenter la haine que lui inspirait son père ; elle éprouvait même une sorte de répulsion pour tous les hommes en général.

Pourtant elle avait oublié depuis longtemps les aventures presque galantes du couvent.

Si son imagination vagabondait dans le passé tandis qu’elle tirait avec agilité son aiguille, elle

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