Page:Kellec - A Lesbos, 1891.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
À LESBOS

Sa mère avait vaguement promis de solliciter son pardon, près du père Badère.

Maintenant il mangeait presque chaque jour.

Le passé, avec ses humiliations, ses heures de désespérance, semblait être bien mort.

Il pouvait, pensait-il, dépouiller le vieil homme.

Est-il possible de patauger pendant si longtemps dans la boue, sans en garder, sur soi, des taches ineffaçables ?

Eugène le croyait !

Tout à coup, par la tabatière ouverte, entra un éclat de voix frais et argentin.

Une femme, une femme jeune, pouvait seule rire ainsi.

Attiré par ce bruit, plein de charme, il passa la tête à travers la fenêtre. D’abord il ne vit que les toits en pente.

Il se pencha davantage, et finit par apercevoir en face de lui, de l’autre côté de la cour puante, assise près d’une croisée d’un étage inférieur au sien, une jeune fille, qui, tout en continuant de travailler, riait encore aux éclats.

Eugène souriait malgré lui ; cette gaîté si franche jetait une clarté dans sa vie si sombre.

Sa voisine causait avec quelqu’un.

Ce personnage invisible l’inquiétait.

Cela pouvait être un amant !