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À LESBOS

— Eh ! mon père, si mes lèvres prononçaient : Allez, je vous pardonne, demain, soustraite à l’émotion qui saisit tout humain, en face du spectacle d’un mourant, ne me souviendrais-je pas de mon existence de déclassée, de mon cœur desséché par le scepticisme, de mes illusions envolées, de ma maison solitaire, où je n’ai le droit de n’être ni épouse, ni mère !

— Pourquoi n’es-tu pas mariée ?

— Parce qu’on a refusé d’épouser votre fille.

Tout ce passé ne peut disparaître ! Lorsque, vieille et délaissée, j’irai mourir sur un lit d’hôpital, n’ayant autour de moi personne pour me fermer les yeux, c’est encore à vous que je penserai.

— Pour me maudire ?

— Non, mais pour me souvenir que vous m’aviez fermé votre cœur.

Ah ! qui saura jamais peindre, avec des couleurs vraies, la vie de ces pauvres parias de la famille ?

Il n’y a pas de loi pour vous punir ; les hommes songent à peine à vous juger, et ils osent jeter l’opprobre à vos victimes !

M. Fernez, les mains jointes, tendues vers sa fille, pleurait de vraies larmes.