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À LESBOS

grosse somme, elle pouvait effaroucher la délicatesse de l’ouvrière.

Les séances se renouvelaient chaque jour.

Les cartons d’Andrée se remplissaient d’esquisses, où Laurence était représentée sous toutes les faces, mais aucun tableau sérieux n’était ébauché.

En vérité, Andrée n’avait accepté de garder Laurence que par compassion.

Elle avait menti, lorsqu’elle parlait d’un projet de scènes réalistes.

Pourtant, elle continuait son œuvre avec persévérance.

Pendant les heures d’intimité, Laurence, malgré la réserve gardée par l’artiste, avait raconté sa douloureuse existence.

Mademoiselle Fernez se piquait de scepticisme, elle affectait de ne jamais s’émouvoir ; en face de ce récit épouvantable, aux accents navrés de Laurence, elle avait deviné qu’elle disait vrai, et un trouble profond, inexplicable, s’était emparé de tout son être.

Une autre chose l’attirait vers Laurence.

Comme elle, l’ouvrière détestait le mâle.

Toutes deux, par des voies différentes, arrivaient vers le même but :