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À LESBOS

La lutte avait été rude, mais le but atteint permettait d’oublier les heures de souffrances.

L’enfant, toujours soutenue par sa mère, quoiqu’abandonnée par son père, avait pu conquérir sa place au soleil !

Elle était quelqu’un.

Une puissance étrangère venait même de lui envoyer une décoration.

Un vieil oncle de M. Fernez, indigné de la conduite de son neveu, avait laissé à Andrée une petite fortune.

Tout cela ne suffisait-il pas à son bonheur ?

Andrée avait une réserve de sensation à dépenser, elle ne savait vers qui se montrer généreuse.

Cela l’attristait.

Toujours entre deux sentiments :

Sa haine de l’homme.

L’attrait de la femme, ce fruit doublement défendu.

Voilà pourquoi, ce matin-là, elle restait immobile devant sa toile vierge.

L’inspiration venait lentement.

Sa main demeurait lourde.

Allait-elle être vaincue, dominée par la matière, dont jusqu’à présent elle avait toujours eu raison ?

Tout à coup, elle redressa sa haute et flexible