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À LESBOS

bras de cette inconnue qui lui parlait avec douceur.

La misère pourrait parfois blaser.

Les bons sont à l’abri de tels accidents.

Madame X., elle est trop modeste pour que nous la nommions, malgré sa longue habitude de frôler les malheureux de profession, ne douta pas un instant qu’elle se trouvait en face d’un de ces êtres dont la destinée, faite uniquement de souffrances, déroute les plus fervents et conduit au scepticisme plus sûrement que les théories des philosophes.

Avec des mots de tendresse, elle berçait Laurence, l’interrogeant adroitement, l’amenant à tous les aveux.

Laurence avoua la vérité,

— Et votre enfant ? questionna madame X.

Les pleurs de la fillette redoublèrent.

— Vous l’avez abandonné ?

— Hélas !

— Vous avez donc douté de tous, même de la Providence ?

— Pourquoi aurais-je cru ? J’ai toujours été de trop sur terre : en bas, mes parents m’ont vouée à la misère ; en haut, Dieu, il ne me connaît pas, ne m’a jamais protégée.

Allez, je suis bien réellement une abandonnée.