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À LESBOS

de comptoir lui dit quelques mots bas à l’oreille.

La fille, aussitôt, se tourna du côté d’Andrée.

Elle fit un mouvement d’épaules plein d’insouciance ; puis, d’un pas lent, celui d’une malade, elle vint jusqu’à la table où dînait mademoiselle Fernez.

Sans en solliciter la permission, elle s’assit en face de l’artiste.

D’un coup d’œil rapide, Andrée avait examiné cette malheureuse.

Ses vêtements, des oripeaux en soie, suintaient la misère ; ses bottines éculées souriaient béatement au parquet ; son chapeau, un amas de fleurs et de tulle, que la pluie et le soleil avaient amalgamé en un tas informe, ne tenait que par un prodige d’équilibre sur une forêt de cheveux blonds mal peignés.

Elle avait dû être jolie ; malgré son dénuement, elle gardait une expression agréable.

Andrée, en la voyant s’asseoir, eut envie de partir.

Elle resta.

— Vous avez commandé un excellent menu, dit la fille, tout en consultant la carte.

— Libre à vous de le partager, répondit André.

— Alors, vous paierez ? car je suis en dèche.