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À LESBOS

— Comme vous avez dû souffrir pour en arriver là !

— Peut-être.

— Que deviennent les enfants avec un tel raisonnement ?

— Les femmes qui pensent comme moi ne font pas d’enfants.

— Heureusement que toutes ne suivent pas vos traces ; la fin du monde ne tarderait guère.

— Où serait le mal ? La misère, l’injustice dominent ici-bas et vous désirez perpétuer une pareille société ?

— La famille…

— Un mot, mon cher, rien qu’un mot vide de sens : quelques enfants en naissant trouvent un foyer ; mais le plus grand nombre n’a en partage que de dures et pénibles privations ; pour quelques-uns, il serait préférable qu’ils fussent venus en dehors des lois, car l’hospice — cette grande marâtre sociale — est souvent plus clémente pour leurs jeunes ans qu’un père légitime brutal, paresseux ou malheureux, qu’une mère impuissante, méchante ou injuste. Ils doivent supporter sans se plaindre, la misère que leur impose l’imprévoyance ou le malheur de leurs parents, et cela au nom de cette fameuse autorité que concède le code au chef de famille.