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À LESBOS

Elle l’ignore encore, mais elle cherche l’œuvre qui doit lui ouvrir, toutes grandes, les portes de la renommée.

Je n’ai pas voulu étaler en ces pages toutes les souffrances imposées à la malheureuse Andrée avant qu’elle eût pu atteindre le moment de quitter complètement l’aiguille pour se consacrer entièrement à la peinture.

Pour écrire un tel récit, j’aurais dû tremper ma plume dans du sang, car elle laissa des lambeaux de sa chair à toutes les ronces de la route.

Les femmes seules me comprendront ; elles referont par la pensée le vrai chemin de croix que cette vaillante sut s’imposer, où souvent elle tomba défaillante, n’osant regarder sans frémir la montée aride placée devant ses pas.

Maintenant elle regarde fièrement en arrière, car l’avenir sera uniquement son œuvre.

Avoir renoncé au mariage impliquait-il qu’Andrée ne voulait plus aimer ?

Elle ne savait !

Parfois le désir la mordait rudement.

Elle refusait d’écouter le cri de sa jeunesse solitaire.

Un amant, un entreteneur, c’était se donner un maître.