Page:Kellec - A Lesbos, 1891.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
À LESBOS

la pauvre vieille avait donné, imprudemment, tout son bien à ses enfants.

Ceux-ci, comme cela arrive souvent à la campagne, trouvaient que la mère vivait trop longtemps.

N’osant commettre un crime, mais voulant aider la mort, trop lente à venir, à leur gré, ils maltraitaient l’infortunée.

On se lasse de souffrir, même au seuil de l’éternité.

Un jour, la vieille, couchée sous le lourd fardeau des ans et de la douleur, alla chercher le repos et la paix au fond de la mare voisine.

Lorsqu’on la retira de l’eau, elle avait cessé de vivre.

Ses enfants, malgré la joie qu’ils devaient éprouver d’être débarrassés d’une bouche qu’ils jugeaient inutile, refusèrent de recevoir la morte chez eux.

Le cadavre fut déposé sur un lit de paille, au fond d’une grange ouverte à tous les vents.

Ce jour-là, Andrée traversait le village, accompagnée d’un domestique. On la conduisait chez la femme du maire.

Chacun commentait l’accident.

— Je veux voir la morte, déclara fermement Andrée.