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II


Il est franchi ! — La main du temps
M’ouvre en son livre une autre page.
Un nouveau chiffre pour dix ans
Va désormais marquer mon âge.
Hier au coucher du soleil,
Je m’endormis, jeune homme encore ;
Transfiguré dans mon sommeil,
Je m’éveille, homme, avec l’aurore.
Vous que trop peu j’ai su goûter,
Plaisirs, délices de la vie,
Illusion, gaieté, folie,
L’âge m’oblige à vous quitter.
Comme un captif dont on s’empare,
Il faut le suivre, et du regard
Vous dire adieu, sur le rempart
De la prison qui nous sépare.
En vain jusqu’au bord du fossé,
Vos pas encor suivent ma trace ;
Derrière moi, fermant l’espace,
Le pont mouvant s’est redressé :
La herse tombe, et sur la rive
Vous demeurez, troupe plaintive,
Les bras tendus, les yeux en pleurs,
Sur mon ornière fugitive,
Trop tard, hélas ! semant vos fleurs.
Au lieu de votre essaim fidèle,
A l’air joyeux, au doux accueil,
Je vois paraître en sentinelle,