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SONNET

Heureuse est l’Angleterre ! je me contenterais
De ne pas voir d’autre verdure que la sienne ;
De ne pas sentir d’autres brises que celles qui soufflent
À travers ses imposantes futaies confondues avec les grandioses légendes ;
Et cependant, parfois, je sens que je languis
Pour le ciel Italien, que je gémis intérieurement
De ne pas prendre assiette sur une Alpe comme sur un trône,
Et que j’oublie à demi ce que signifient monde et mondanité.
Heureuse est l’Angleterre ! suaves sont ses filles dénuées d’artifice ;
Suffisant pour moi est leur simple charme,
Suffisants sont leurs bras blancs vous enlaçant en silence :
Et cependant, je brûle souvent, avec ardeur, de voir
Des beautés au regard énigmatique, d’entendre leurs chants,
Et de voguer avec elles sur les eaux estivales.

1816.