Page:Keats - Poèmes et Poésies, trad. Gallimard, 1910.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À CHATTERTON

Ô Chatterton ! que ton destin fut triste !
Cher enfant du chagrin — fils de la misère !
Combien prématurément les ténèbres de la mort ont éteint tes yeux,
Où le génie mettait une douce lueur et un haut dessein !
Combien prématurément ta voix, majestueuse et inspirée,
Se dissolvait en vers mourants ! Oh ! combien proche
Fut la nuit de ton admirable matin. Tu mourus
Fleurette à demi épanouie frappée par les souffles glacés.
Mais c’est le passé : le voilà parmi les astres
Au plus haut du ciel : aux sphères qui tourbillonnent
Tu chantes harmonieusement ; rien ne gâte les hymnes,
Au-dessus du monde ingrat et des humaines épouvantes.
Sur terre, l’homme juste défend contre les vils détracteurs
Ton illustre nom et l’abreuve de larmes.

1815.