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Lorsque tu en pinces les cordes avec tes doigts, la vaste
Oreille de l’univers entier, sans se lasser jamais,
Ecoute avec tristesse ou joie la source d’où jaillit
Une harmonie si neuve et si merveilleuse. N’est-il pas étrange
Que tu pleures, étant ainsi doué ? Jeune Ephèbe, dis-moi
Quel chagrin tu peux éprouver : car je suis attristée
Lorsque tu verses une larme : raconte tes malheurs
A quelqu'un qui dans cette île déserte a
Veillé sur ton sommeil et tes heures de vie,
Depuis tes jeunes journées où pour la première fois ton enfantine main
Arrachait sans réflexion les faibles fleurs, jusqu'à l’heure où ton bras
Put bander cet arc héroïque en tout instant.
Dévoile le secret de ton cœur à une Déesse des temps anciens
Qui a abandonné son trône antique et sacré
Pour annoncer ton règne et pour sauvegarder
Ta beauté nouvelle venue ». Apollon alors
La scruta soudain de ses yeux déjà moins dolents ;
Ainsi lui répondit-il, et de sa gorge blanche et mélodieuse
Les sanglots sortaient avec les mots : « Mnémosyne !
Ton nom est sur ma langue, j’en ignore la raison ;
Pourquoi te dire ce que tu as si bien deviné ?
Pourquoi m’efforcer de t’expliquer le mystère que tes lèvres