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En gloire les antiques Ténèbres : et nous ne sommes pas
Plus vaincus par eux que ne l’a été par nous la domination
Du Chaos sans forme. Dites-le ? Le sol stupide
Se querelle-t-il avec les majestueuses forêts qu’il a nourries,
Et les nourrit-il plus volontiers que lui-même ?
Peut-on lui dénier la souveraineté des verts bocages ?
Ou les arbres porteront-ils envie aux colombes
Parce qu’elles roucoulent, et qu’elles ont des ailes de neige
Pour voler de ci de là et y trouver leurs joies ?
Nous sommes tels que les arbres des forêts et nos vigoureuses branches
Ont nourri jadis, non de blanches colombes solitaires,
Mais des aigles aux plumes dorées qui planent
Au-dessus de nous dans leur beauté, et régneront
A cause de cela, en toute justice ; car c’est une loi éternelle
Que celui qui l’emporte en beauté doit l’emporter en puissance :
Oui, au nom de cette loi, une autre race contraindra
Nos vainqueurs à gémir comme nous le faisons maintenant.
Avez-vous contemplé le jeune Dieu des Mers,
Celui qui me dépossède ? Avez-vous vu sa figure !
Avez-vous regardé son char, couvert de l’écume
Des nobles êtres munis de nageoires qu’il a crées ?
Je l’ai vu parcourir les flots calmes.