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Et furtivement fixa ses regards sur la figure de Saturne.
Elle y lut le plus cruel combat ; le Dieu souverain
Se débattant contre l’affaissement du chagrin,
De la rage, de la crainte, de l’anxiété, de la revanche,
Du remords, du dégoût, de l’espoir, et par-dessus tout du désespoir.
Contre ces détresses il luttait en vain ; puisque le Destin
Avait répandu sur sa tête l’huile mortelle,
Le poison dissolvant : de sorte que Théa
Effrayée, se tint coite, et le laissa pénétrer
Le premier, au milieu de la tribu déchue.

De même que, chez nous mortels, le cœur oppressé
Est plus harcelé encore et plus fiévreux,
Lorsqu’il approche de la maison de deuil
Où d’autres cœurs souffrent des mêmes affres ;
De même Saturne, comme il avançait au centre
Se sentit défaillir, et serait tombé au milieu de tous,
S’il n’avait rencontré les yeux d’Encelade,
Dont la grandeur d’âme, dont la vénération pour lui, tout d’un coup
Le frappèrent comme une inspiration ; et il s’écria —
« Titans, regardez voire Dieu. » A ces paroles, quelques uns gémirent ;
Quelques uns se dressèrent sur leurs pieds, d’autres aussi crièrent ;
Les uns pleuraient, les autres se lamentaient, tous se prosternaient avec respect ;
Alors Ops, relevant son voile aux plis noirs,