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Dois-je quitter cet asile de mon repos,
Ce berceau de ma gloire, ce doux séjour,
Cette paisible abondance de lumière bienheureuse,
Ces pavillons de cristal, ces temples purifiés,
Qui forment mon radieux empire ? Tout est
Déserté, abandonné, tout ce qui fut ma retraite.
Eclat, splendeur, symétrie ! Où êtes-vous ?
Je ne distingue que ténèbres, mort et ténèbres.
Même ici, au centre de mon refuge,
Les visions spectrales viennent me tyranniser,
Pour insulter, aveugler, étouffer mon faste.
Tomber ! — Non, par Tellus et sa parure d’ondes salées !
Par delà les frontières de flamme qui bornent mes royaumes
J’avancerai et de ma redoutable droite
Je terrifierai cet enfant maître du tonnerre, ce Jupiter rebelle,
Et je demanderai au vieux Saturne de reprendre possession de son trône. »
Il dit, puis se tut, tandis qu’une menace plus formidable
Luttait pour sortir de sa gorge, sans y parvenir ;
Ainsi, lorsque les hommes sont en foule dans les théâtres,
Le brouhaha augmente plus ils crient : « Hush »
De même aux paroles d’Hypérion, les livides fantômes
S’enfuirent, trois fois horribles et glacés :
Et du lieu, uni comme un miroir, où il parlait
S’éleva un brouillard, comme d’un lac couvert d’écume.