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Il entra, mais il entra plein de courroux ;
Sa robe de flammes traînant loin derrière ses talons
Faisait entendre un sifflement, comme d’un feu terrestre,
Qui effarouchait les douces heures éthérées,
Et faisait trembler les ailes des colombes. En avant il flamboyait
Majestueusement de nef en nef, de voûte en voûte,
A travers le scintillement des salles odorantes et enguirlandées
Et les longues arcades pavées de diamants éblouissants,
Jusqu'à ce qu’il gagnât la grande coupole principale ;
Là s’arrêtant, debout, farouche, il frappa du pied,
Et depuis les profondeurs des fondations jusqu'au faîte des tours
Il ébranla sa demeure d’or massif ; puis avant
Que le roulement du tonnerre eût cessé dans les cintres,
Sa voix retentit, en dépit de la retenue que se doit un dieu,
Pour clamer : « O rêves du jour et de la nuit !
O formes monstrueuses ! O faces de douleur !
O spectres s’agitant dans une froide, froide obscurité !
O fantômes aux longues oreilles, hôtes des étangs aux herbes sombres !
Pourquoi vous ai-je connus ? pourquoi vous ai-je vus ? pourquoi
Mon éternelle essence est-elle ainsi harcelée
Par la vue et le spectacle de ces nouvelles horreurs ?
Saturne est vaincu, dois-je aussi l’être ?