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Ses yeux reflétaient la fièvre, sa voix s'éteignit.
Toujours debout, il n’entendait pas les profonds sanglots de Théa ;
Après un intervalle, il recommença à jeter
Ces exclamations : « Ne puis-je pas créer ?
Ne puis-je pas former ? Ne puis-je pas façonner subitement
Un autre monde, un autre univers
Pour écraser et réduire en poussière celui-ci ?
Où y a-t-il un autre chaos ? Où ? » Ce mot
Retentit jusque dans l’Olympe et fit frémir
Les trois rebelles[1] ? Théa avait tressailli,
Et dans son attitude perçait une sorte d’espoir,
A mesure que ses phrases se précipitaient, pourtant pleines de respect :

« Ceci mène à notre demeure détruite : viens vers nos amis,
O Saturne ! viens, et donne leur du courage ;
Je connais leur retraite, je l’ai quittée pour te trouver ici. »
Elle n’en dit pas plus long ; puis le suppliant du regard, elle marcha
A reculons à travers l'obscurité pendant un instant.
Il suivit, et elle se retourna pour le guider
A travers les branches vermoulues, qui cédaient comme la brume

  1. Jupiter, Neptune et Pluton