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En comparaison de la puissante voix des Dieux primitifs ! —
« Saturne, relève la tète ! Cependant pourquoi, pauvre
vieux Roi ?
Car je n’ai pas de consolation pour toi, non, je n’en ai pas :
Je ne peux pas dire : Oh pourquoi dors-tu ?
Puisque le ciel s’est séparé de toi, et que la terre
Ne te reconnait plus, dans cette affliction, pour un Dieu :
L'Océan, aussi, avec son bruit solennel,
A rejeté ton sceptre, et toute l’atmosphère
Est vide de ta majesté surannée.
Ta foudre, sachant qui commande maintenant,
Gronde contrainte au-dessus de notre demeure en ruine,
Et ton éclair éblouissant entre des mains inexpérimentées
Dévaste et brûle notre domaine autrefois paisible.
O douloureuse époque ! minutes longues comme des
années !
Tout, pendant que vous passez, accroît la monstrueuse
vérité,
Et comprime tellement nos horribles angoisses
Que l’incrédulité n’a plus de champ pour respirer.
Saturne, continue à dormir — Oh! pourquoi, étourdiment
ai-je ainsi
Violé ton sommeil solitaire ?
Pourquoi ai-je rouvert tes yeux mélancoliques ?
Saturne, continue à dormir ! tandis qu'à tes pieds je pleure ! »