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314 POÈMES ET POÉSIES

Silencieuse, se promenait à pas lents, et comme elle s’avançait
Blafarde, heureuse en quelque sorte d’être malheureuse,
Elle ordonnait à ses invisibles serviteurs de raviver sans cesse
Dans chaque coin et chaque niche la flamme dont l'éclat diminuait.
Entre les troncs des arbres, à des surfaces de marbre
Succédaient des panneaux de jaspe ; puis, çà et là, émergeaient
Des silhouettes grimpantes de végétations plus sveltes,
Qui avec les cépées plus grandes s’entrelaçaient intimement.
Après avoir donné son approbation, elle disparut, suivant son caprice.
Dans sa chambre, et tira le verrou, apaisée et calmée,
Ayant repris son sang-froid et préparée à l’orgie brutale
Quand les hôtes redoutés entreraient pour violer sa solitude.

Le jour parut, et toutes les clameurs se turent.
Insensible Lycius ! Fou ! Pourquoi dédaigner
Le destin qui avec le silence t’apportait la félicité, les heures d’ardente intimité ?
Pourquoi livrer aux yeux du vulgaire cette alcôve secrète ?
Le troupeau approchait ; chaque invité, le cerveau enfiévré
Arrivait sur le seuil, précipitait un coup d’œil
Et entrait stupéfait ; car ils connaissaient la rue,