Page:Keats - Poèmes et Poésies, trad. Gallimard, 1910.djvu/316

Cette page n’a pas encore été corrigée

312 POÈMES ET POÉSIES

— Je n’ai pas d'amis, dit Lamia ; non, pas un ;
Ma présence dans la vaste Corinthe est à peine connue :
Les ossements de mes aïeux reposent dans leurs urnes empoussiérées
Au fond du tombeau ; aucun encens incandescent n’y brûle,
Puisque leur race infortunée a disparu toute entière, sauf moi ;
Et encore, je néglige le rite sacré, à cause de toi.
Cependant, à votre choix invitez vos nombreux hôtes ;
Mais si, comme il semble maintenant, votre vision s’attache
A moi avec quelque plaisir, ne prévenez pas
Le vieil Apollonius — tenez-moi cachée à ses yeux. »
Lycius, rendu perplexe par ces paroles si vagues et si obscures
Voulut poursuivre l'enquête ; à la première allusion, elle recula,
Feignant de dormir ; quant à lui, il fut envahi
Subitement par l’engourdissante torpeur d’un profond sommeil.
C’était la coutume alors d’emmener
La fiancée hors de sa maison, lorsque le crépuscule rougissait l’horizon,
Voilée, sur un char, accompagnée de fleurs
Jonchant le sol, de torches, de chants nuptiaux
Et d’autres pompes : mais cette belle inconnue
N’avait pas un ami. Ainsi, laissée seule.