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POÈMES 311

Elle l’implora, tout en pressant sa main
Pour qu’il abandonnât son projet. Il en fut piqué,
S’acharnant davantage dans son caprice pervers à contraindre
Sa sauvage et timide nature de lui obéir.
En outre, pour tout son amour, en dépit de lui-même,
Malgré la meilleure partie de lui-même, il éprouva une jouissance
Voluptueuse à la torturer, délicieuse et nouvelle.
Sa passion, devenue cruelle prit un ton
Féroce et sanguinaire, autant que cela était possible
A un être dont le front n’avait pas de veine noire à gonfler.
Admirable était ce délire mitigé ; tel l’aspect
D’Apollon, lorsqu’il se prépare à frapper
Le serpent. — Ah ! le serpent ! Certes elle
Ne l’était pas. Consumée d’amour pour son tyran,
Et toute soumise, elle acceptait l’heure
Où il conduirait son amante à la cérémonie.
Chuchotant dans le silence de minuit, le jeune homme ajouta :
— Assurément, tu dois avoir un nom charmant, bien que, par ma foi,
Je ne te l’aie pas demandé, m’imaginant toujours
Que tu n’étais pas mortelle, mais d’origine céleste
Comme je le crois encore. As-tu un nom mortel,
Une appellation digne de la forme éblouissante ?
Ou des parents ou des amis dans une cité terrestre
Qui partagent notre banquet et nos réjouissances nuptiales ? »