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POÈMES 305

Enfin, désignant Corinthe, elle demanda à son amant
Si elle était trop éloignée, cette nuit, pour ses pieds délicats.
Le chemin fut court ; Lamia dans son impatience
Réduisit, par un sortilège, les trois lieues
A quelques enjambées, sans être soupçonnée
Par Lycius aveuglé, tant elle le subjuguait.
Ils franchirent les portes de la ville, il ne sut pas comment,
Sans bruit, et jamais il ne s’inquiéta de la savoir.

Comme des hommes parlant en rêve, tous les Corinthiens,
A travers leurs palais impériaux,
Toutes leurs rues populeuses et leurs temples de débauche,
Murmuraient, telle une tempête se préparant à distance,
Sous la nuit étendue au-dessus de leurs tours.
Hommes, femmes, riches et pauvres, dans les heures fraîches,
Traînaient leurs sandales sur les dallages blancs,
Seuls ou par groupes ; pendant que mainte lumière
Brillait çà et là, éclairant de somptueuses fêtes,
Et projetait des ombres mouvantes sur les murs,
Où les trouvait amassés dans l’ombre des corniches
Sous la porte cintrée d’un temple ou une sombre colonnade.