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POÈMES 301

Si mes yeux pourront jamais se détourner de toi !
Par pitié ! ne mens pas à ce triste cœur —
Car si tu disparaissais, je mourrais.
Reste ! quoique Naïade des rivières, reste !
A tes désirs lointains, tes cours d’eau obéiront ;
Reste ! quoique les luxuriantes forêts soient ton domaine,
Sans toi elles peuvent s’abreuver de la pluie matinale :
Quoique tu sois une Pléiade descendue des cieux, aucune de tes
Harmonieuses sœurs ne maintiendra-t-elle en accord
Tes sphères, et comme ta mandataire ne jettera-t-elle une lueur argentée ?
Si délicieusement ont frappé mes oreilles ravies
Tes promptes paroles de bienvenue, que si tu t’évanouissais
Ton souvenir me réduirait à l’état d’ombre ;
Par pitié, ne te fonds pas dans l’espace !» — Si je restais, »
Dit Lamia, « ici, sur cette terre de boue,
Si je daignais fouler ces fleurs trop rudes pour mes pieds,
Que pourrais-tu dire et faire qui me captivât suffisamment
Pour amoindrir le souvenir enchanteur de mon paradis ?
Tu ne peux me demander de vagabonder ici avec toi
A travers ces collines et ces vallées où il n’y a pas de joie, —