Page:Keats - Poèmes et Poésies, trad. Gallimard, 1910.djvu/298

Cette page n’a pas encore été corrigée

294 POÈMES ET POÉSIES

Une fois encore, le Dieu séduit, renouvela
Son serment qui résonna à travers les oreilles du serpent,
Brûlant, frémissant, pieux, implorateur.
Ravie, elle releva sa tête Circéenne,
Se colora de l’incarnat de la vie, et balbutia hâtivement :
— J’étais une femme ; qu’une fois de plus je prenne
La forme d’une femme aussi attrayante qu’autrefois.
J’aime un jeune Corinthien. O Félicité !
Rends-moi mon corps de femme, et transporte-moi où il est.
Courbe-toi, Hermès, laisse-moi souffler sur ton front
Et tu verras ta nymphe aimée à l’instant même ».
Le Dieu se pencha confiant sur ses ailes à demi repliées,
Elle souffla sur ses yeux ; aussitôt apparut devant eux
La nymphe séquestrée, souriante sur la pelouse.
Ce n’était pas un rêve, ou autant dire que c’en était un ;
Les rêves des Dieux sont des réalités : paisiblement ils jouissent
De leurs plaisirs en un long rêve immortel.
Un moment plana sur eux, d’ardeur, de rougeur, pendant lequel il sembla
Emerveillé par la beauté de la nymphe sylvestre, tant il était enflammé ;
Puis se posant sur la verdure sans y laisser d’empreinte, il se tourna
Vers le serpent pâmé, et d’un bras alangui,
Délicatement, il mit à l’épreuve le charme du flexible Caducée.
Après quoi, sur la nymphe il inclina ses yeux