Page:Keats - Poèmes et Poésies, trad. Gallimard, 1910.djvu/297

Cette page n’a pas encore été corrigée

POÈMES 293

Légères volèrent ses chaleureuses paroles lancées parmi les fleurs.
Alors de nouveau se fit entendre la voix enchanteresse.
— Cœur trop sensible ! ta nymphe perdue
Libre comme l’air, invisible, rôde
À travers ces déserts sans ronces ; ses radieuses journées,
Elle les goûte sans être vue ; elle n’est pas vue lorsque ses pieds agiles
Laissent des traces sur le gazon et les fleurs odorantes ;
Des pampres chargés et des vertes ramures inclinées
Elle cueille les fruits sans être vue, elle se baigne sans être vue :
C’est par mon pouvoir que sa beauté est voilée
Pour demeurer hors d’affront, hors d’atteinte
Des regards d’amour jetés par les yeux peu dignes d’amour
Des Satyres, des Faunes, et des soupirs du chassieux Silène.
Son immortalité se consumait dans la répulsion
Que lui inspiraient tous ces adorateurs, et elle se plaignait tant
Que je pris pitié d’elle, lui recommandai de tremper
Ses cheveux dans des liqueurs magiques, qui conserveraient
L’invisibilité à ses charmes et lui permettraient
De folâtrer à sa fantaisie, en liberté.
Tu vas la contempler, Hermès, toi seul,
Si tu veux, ainsi que tu l’as juré, obtenir de moi cette faveur ».