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LV

O Mélancolie, demeure avec nous pour un instant !
O Musique, Musique, reprends haleine tristement !
O Écho, Écho, de quelque sombre rive,
Inconnue, Léthéenne, soupire vers nous — O soupire !
Esprits de deuil, relevez vos têtes, et souriez ;
Relevez la tête, suaves Esprits, avec accablement,
Et jetez une faible lueur dans vos ténèbres funéraires,
Teintant avec la pâleur de l’argent le marbre des tombes.

LVI

Gémissez ici, vous toutes, syllabes qui exprimez le malheur
Et que clame le gosier profond de la triste Melpomène !
Faites résonner la lyre de bronze sur le mode tragique,
Faites vibrer les cordes mystérieusement ;
Sifflez lugubrement plus haut que les vents, et sourdement ;
Car la naïve Isabelle doit bientôt habiter
Le royaume des morts ; elle se fane comme un palmier
Qu’entaille un Indien pour sa sève embaumée.