Page:Keats - Poèmes et Poésies, trad. Gallimard, 1910.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XLI

L’Esprit murmurant : « Adieu » — se dégagea, et laissant derrière lui
L’insaisissable obscurité lentement disparut ;
De même que, tirés à minuit d’un sommeil réparateur,
Pensant aux heures rudes et à l’infructueux labeur,
Nous appuyons nos yeux dans le renfoncement de l’oreiller,
Et voyons dans les ténèbres des étincelles jaillir et sautiller,
De même, la triste Isabelle, les paupières douloureuses,
A la venue de l’aurore s’éveilla en sursaut ;

XLII

« Ah ! Ah ! dit-elle. Je n’ai pas connu cette cruelle vie.
Je croyais que le pire était la pauvreté ;
Je croyais que quelque Destin nous départissait plaisir et tourment
Par portions égales — jours de joie ou jours de deuil ;
Mais voilà le crime — voilà le poignard sanglant d'un frère !
Doux Esprit, tu as instruit ma jeunesse :
Pour cela, je te rendrai visite, j’embrasserai tes yeux
Et te remercierai au ciel matin et soir. »