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Ainsi chacun parlait à son oreiller ; mais, hélas ! chacun
Laissait passer jours sur jours sang goûter le suprême bonheur ;

V

Si bien que les joues de la charmante Isabelle privées de baisers
Pâlirent tout comme le feraient les roses ;
Devinrent aussi maigres que celles d’une jeune mère, qui cherche
Par quelque chant berceur à calmer la douleur de son enfant :
« Comme elle souffre » se dit-il, « je ne peux parler,
Et cependant je le veux, je lui déclarerai tout mon amour :
Si ses yeux expriment qu’il l’a vaincue, je boirai ses larmes,
Et du moins ses tourments cesseront. »

VI

Ainsi pensait-il en une radieuse matinée, et tout le jour
Son cœur battait à se rompre contre sa poitrine :
Et au dedans de lui il suppliait son cœur de lui donner
Le courage de parler ; mais toujours son sang se figeait,
Étouffait sa voix, et chassait sa résolution —