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mais son visage à elle était tout son horizon ;
Et la voix de l'aimé était toujours plus agréable
A l'aimée que le bruit des arbres ou des ruisseaux ombragés ;
Les cordes de son luth faisaient sonner son nom,
Elle le dessinait sur sa broderie inachevée.

III

Il devinait quelle gentille main tournait le loquet,
Avant que la porte ouverte ne la découvrît à ses yeux ;
A travers la fenêtre de sa chambre il surprenait sa beauté
D'un regard plus perçant que celui du faucon ;
Régulièrement il la guettait aux vêpres,
Sachant que ses yeux étaient levés vers les mêmes cieux ;
Il passait toute la nuit dans une attente enfiévrée,
Pour entendre sur l'escalier son pas matinal.

IV

Un long mois de Mai passé dans ce pénible état
Rendit leurs joues plus pâles lorsque Juin commença :
« Demain je me courberai devant ma joie,
Demain j'implorerai la faveur de ma dame ».
 « O puissé-je ne jamais voir une autre nuit,
Lorenzo, si tes lèvres ne prononcent pas le mot amour. »