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196 POÈMES ET POÉSIES

   
C'est une puissance sommeillant à demi, sur son propre bras droit.
Le plissement de ses sourcils arqués suffit pour forcer
A obéir des milliers de serviteurs empressés,
Et toujours elle commande avec le froncement le plus indulgent.
Mais la force seule, quoique née des Muses,
Est comme un ange déchu : arbres arrachés,
Obscurité, larves, suaires et sépulcres
Font ses délices ; elle est alimentée par les bardanes
Et les ronces de la vie ; oubliant le véritable but
De la poésie : qu'elle doit être une amie
Qui allège les soucis et élève les pensées de l’homme.

Oui, je me réjouis : un myrthe comme il n’en est
Jamais poussé à Paphos, au milieu des broussailles amères
Dresse dans l'air sa douce tête, et emplit
Un espace silencieux d’une verdure sans cesse bourgeonnante.
Les oiseaux les plus amoureux y trouvent un plaisant abri.
Se glissent sous son ombrage avec de gracieux battements d’ailes,
Picotent les calices des fleurettes et chantent.
Dégageons-le donc des ronces qui l’étouffent
En enserrant son noble tronc ; que les jeunes faons
Mis bas plus tard, quand nous sommes partis,
Trouvent en dessous un gazon frais, recouvert
De simples fleurs ; que là ne soit rien
De plus violent que le genou fléchi d'un amant :