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POÈMES 195

   
A quelques esprits solitaires qui pouvaient fièrement chanter
La perte de leur jeunesse et mourir ? C’était précisément ainsi
Mais éloignons de notre pensée ces époques malheureuses :
Maintenant nous voilà dans une saison plus favorable ; vous avez soufflé
De riches bénédictions sur nos têtes ; vous avez tressé
De fraîches guirlandes ; car de douces mélodies furent entendues
En maints endroits ; — quelques-unes ont été tirées
De leur demeure cristalline au fond d’un lac,
Par le bec d’ébène d’un cygne ; d’un épais fourré
Nichées et tranquilles en une paisible vallée
D'autres s’égrènent en notes de pipeaux ; de belles harmonies flottent en désordre
Sur la terre : heureux vous êtes et contents.

Comment douter de tout cela ? oui, c’est certain,
La puissance du chant nous a dotés d’étranges tonnerres,
Des tonnerres mélangés avec ce qui est doux et fort,
Issus de la majesté. Mais, pour être juste, les thèmes
Sont d’informes monstres, les Poètes eux-mêmes sont des Polyphèmes
Qui perturbent le grand Océan. C’est une ondée inépuisable
De lumière que la poésie ; c’est le pouvoir suprême ;