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POÈMES 189

   
Tandis que sa pirogue se précipite vers les monstrueux tourbillons
De Montmorenci. Pourquoi frémir si tristement ?
La vie est l’espoir de la rose non encore épanouie ;
La lecture d’un conte qui change éternellement ;
Le léger soulèvement du voile d’une vierge ;
Un pigeon tournoyant dans l’air transparent de l’été ;
Un écolier rieur, sans crainte ni souci
A cheval sur les branches souples d’un orme.


Oh ! pour dix ans, que je puisse m’abîmer
Dans la poésie ; que je puisse accomplir l’œuvre
Que mon âme s’est imposée.
Alors je traverserai les campagnes que j’aperçois
En longue perspective, et sans me rassasier
Je m’abreuverai à leurs sources pures. Je parcourrai d’abord le royaume
De Flora et du vieux Pan ; je dormirai sur l’herbe,
Me nourrirai de pommes rouges et de fraises,
Et choisirai chaque plaisir que percevra ma fantaisie ;
Je surprendrai les nymphes aux blanches mains dans les sites ombreux
Pour mendier les doux baisers de leurs faces détournées —
Jouer avec leurs doigts, faire courir sur leurs blanches épaules
Un délicieux frisson avec une morsure
Aussi dure que les lèvres la peuvent donner : jusqu’à ce que je sois agréé,