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J’ai rencontré une dame, dans les prés,
D’une grande beauté — la fille d’une fée ; —
Ses cheveux étaient longs, ses pieds légers
Et ses yeux sauvages.

Je l’assis sur mon coursier paisible
Et ne vis rien d’autre tout le long du jour ;
Car elle se penchait de côté et chantait
Une chanson de fée.

Je tressai une guirlande pour sa tête,
Puis des bracelets et une ceinture qui embaumait ;
Elle me regardait comme si elle m’aimait
Et poussait un doux gémissement.

Elle trouva pour moi des racines d’un goût exquis,
Du miel sauvage et la manne de la rosée ;
Et sûrement en langage étrange elle me dit :
Je t’aime véritablement.

Elle m’entraîna dans sa grotte d’elfe ;
Là, me contemplant, elle poussa un profond soupir :
Là, je fermai ses yeux sauvages et tristes —
Et l’embrassai jusqu’à l’endormir.

Là nous sommeillâmes sur la mousse,
Et là, je rêvai, ah ! malheur véritable !
Le dernier rêve que j’aie jamais rêvé,
Sur le flanc de la froide colline.