Page:Keats - Poèmes et Poésies, trad. Gallimard, 1910.djvu/14

Cette page n’a pas encore été corrigée
10
POÈMES ET POÉSIES

soutenait sa patrie contre Napoléon. Que lui importent les dissensions des hommes et des nations ! Que lui importe l’action brutale ! C’est devant les conflits des éléments [1] que vibrent ses sens, que s’échauffe sa verve, que s’exalte son inspiration. La pression des événements ne pèse pas sur lui. De là, du reste, un défaut assez frappant que ses ennemis n’ont pas manqué de faire ressortir : ses personnages sont comme lui, ils éprouvent des accès de joies, de colères, de jouissances et de douleurs de toutes sortes, ils se taisent, ils vocifèrent : ils n’agissent que rarement.

Dans la Veille de sainte Agnès, Porphyro entasse les sucreries et les fruits :

De sa cachette il rapporta un monceau
De pommes candies, de coings, do prunes, de courges
Puis dus gelées plus savoureuses que le lait caillé.
Et des sirops rutilants, colorés avec de la canelle ;
De la manne et des dattes, transportées par mer.
Cueillies à Fez ; et des friandises aromatisées... [2]

Mais ni le héros ni son amante n’y goûteront ; le poète s’est simplement laissé emporter par le chatoiement et la musique des mots.

Peut-être des éplucheurs hargneux et moroses seraient-ils en droit de lui reprocher une certaine exubérance irraisonnée en même temps qu’une

  1. Hypérion. Page 323.
  2. Page 281.