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CONTES ET NOUVELLES.

— Il ne me verra pas, se dit Fanny. Il ne verra pas ma honte.

Après le dîner, elle annonça qu’elle allait à l’église.

— Veux-tu qu’Élisabeth t’accompagne ? demanda sa mère.

— Merci, ma mère, j’aime mieux être seule.

Elle embrassa sa mère avec effusion, et aussi son père, quoique ce ne fût pas son habitude ; puis elle sortit.

Le soleil se couchait, et le lac était parsemé de glacis bleus et jaunes.

— Ô mon Dieu ! dit-elle, ce lac, que j’ai tant de fois admiré, devait donc être mon tombeau !

Elle frissonna, s’appuya contre un arbre.

— Que cela est beau ! dit-elle ; que la nature est majestueuse ! quel beau cadre pour le bonheur et pour l’amour !

Elle entra dans l’église ; le prêtre n’y était pas encore ; il ne tarda pas à arriver. Il n’y avait personne qu’un vieille femme qui, la tête basse, marmottait des prières entre les dents. On alluma deux cierges, et le ministre commença les prières du culte protestant.